Julien
Gardair
fait partie de cette génération imprégnée
d’images : peintures, cinéma, publicités sont
le support de ses fictions, de sa mythologie personnelle. Dans
son travail les images, comme les mots d’Artaud, retrouvent
leur légèreté et leur tragique dans l’équivoque.
L’artiste
joue et se joue de la peinture, dessine le regard comme le bavardage,
la respiration ou l’échange, décolore pour
dépeindre. La figure peut prendre en main les coulures
du médium pour les replacer dans la toile, jouer à
cache cache dans les superpositions, faire un pied de nez au peintre
dépassé par son acte. L’important dans ce
jeu pictural c’est d’apporter une réponse –
le pinceau, le cutter ou la caméra à la main –
aux effets du geste qui précède, juste après
pour éviter toute narration... Alors par le jeu de la transgression,
du détournement, de la surprise, les publicités
de regardées nous regardent, les emballages deviennent
transparences, les peintures points de vue, les vêtements
des leurres que le vide révèle, les slogans des
reflets (plus de l’entrejambe que de la pensée)...
et s’il sort un « vers » de la modernité
bedonnante ce sera un ver, chenille qui prend la place du pinceau,
prêt à prendre des ailes.
Chez
Jean Fournier qui a toujours su créer
des rencontres – événements à partir
d’une éthique de la peinture, Julien Gardair
rejoint ses grands pairs qu’il a toujours côtoyé
dans la distance comme dans l’interrogation : Viallat et
la liberté donnée par sa forme à ses supports
comme à sa peinture, Shirley Jaffe pour la rigueur dans
ses rapports blanc, forme, couleur qui donne vie à l’aléatoire,
Hantaï qui en s’effaçant fera surgir la peinture
par la contrainte ou le cutter. Chacun trouve sa liberté
picturale en supprimant la figure en tant qu’image narrative
là où Julien Gardair, d’une autre génération,
rend sa liberté à l’image en ne supprimant
que sa littéralité.
Pour
chacun un engagement total, au-delà ou en deçà
des mots, qui a fait dire à Jean Fournier
que cette peinture viendrait des yeux comme du ventre... une gourmandise
de l’esprit.
Jacques Arnaudiès
1 - 2003
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